Le mercredi 2 décembre, Valéry Giscard d’Estaing, ancien président de la République de 1974 à 1981, est décédé des suites de la Covid-19 à l’âge de 94 ans. En accord avec sa famille et comme le veut la tradition française, un jour de deuil a été décrété par le président en exercice, Emmanuel Macron, ce mercredi 9 décembre 2020. Explications et portrait.
Une journée de deuil national dans un contexte de crise sanitaire
« Il part en des temps tourmentés, victime à son tour de ce mal contre lequel nous luttons et qui a bouleversé le monde », indiquait le Emmanuel Macron le 3 décembre dernier lors de son allocution en hommage à l’ancien président. Celui-ci a également précisé que les obsèques se dérouleraient dans l’intimité familiale, puisqu’à l’instar du Général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing ne souhaitait pas d’hommage national en son honneur.
Toutefois, en guise d’« amitié » et de « respect », le Président Macron a décrété un jour de deuil national ce mercredi 9 décembre. Les journées de deuil national sont établies par décret par le président en exercice pour témoigner de « l’hommage de la Nation à un président de la République défunt ou à des personnes décédées dans des circonstances marquantes ». Ce fut le cas notamment le 30 septembre 2019 après le décès de Jacques Chirac, également ancien président de la République, mais aussi le 8 janvier 2015 après l’attentat contre Charlie Hebdo.
La circulaire du premier Ministre, Jean Castex, précise les modalités de cette journée de deuil dédiée à Valéry Giscard d’Estaing : les drapeaux sont mis en berne sur tous les bâtiments et édifices publics, et un moment de recueillement est prévu pour permettre aux agents publics de s’associer au deuil national tout en veillant au respect de règles sanitaires.
Dans le même temps, le Musée d’Orsay à Paris, normalement fermé au public en raison de la situation sanitaire, ouvrait aujourd’hui ses portes à la seule fin de laisser la possibilité à toute personne de rendre hommage à l’ancien président défunt dans un Livre d’or mis à disposition.
Une figure moderne de la Vème République
Défini par sa modernité, son engagement pour l’Europe et son mythique « Au revoir ! », Valéry Giscard d’Estaing a, le temps de sa présence politique, marqué notre République.
Le plus jeune président de la République avant Emmanuel Macron
L’homme qui aura vécu près d’un siècle et présidé la France 40 ans plus tôt, a connu une longue carrière politique en tant que Ministre des Finances auprès de différents présidents (de Gaulle, Pompidou…) avant de se présenter et d’arriver lui-même en tête des suffrages face à Mitterand. A 48 ans, Valéry Giscard d’Estaing est alors devenu le plus jeune président de la Vème République. Et on lui doit plusieurs grands changements.
Le président de centre-droite, parfois décrit comme un représentant « décontracté », a porté d’importantes réformes, comme celle d’admettre l’âge de la majorité à 18 ans, mais aussi de reconnaitre le divorce par consentement mutuel. Sans passer pour une figure féministe, il a également servi la cause des femmes en faisant avancer leurs droits et en participant à la promotion de la condition féminine. En tant que Ministre puis lors de son unique mandat présidentiel, plusieurs lois confirment sa volonté de moderniser le pays : la possibilité de recourir à l’intervention volontaire de grossesse (IVG) défendu par Simone Veil, le remboursement intégral par la sécurité sociale de la contraception orale, mais aussi la possibilité pour les femmes d’ouvrir leur propre compte bancaire sans l’autorisation du mari.
Il nourrit par ailleurs l’image d’un président populaire en s’invitant chez les Français, même si pour beaucoup, il apparait ambitieux. Jacques Chirac, son Premier Ministre nommé dès son élection, a d’ailleurs démissionné 2 ans après la prise de ses fonctions, symbolisant les désaccords de leurs relations.
Les prémisses de l’Union Européenne
Convaincu qu’il faut penser l’Europe autrement, Valéry Giscard d’Estaing participera aux fondements de l’Union Européenne que l’on connaît. Il se lie d’amitié avec le futur chancelier allemand, Helmut Schmidt, tous deux croyaient en la puissance européenne. Ensemble, ils esquisseront l’UE d’aujourd’hui. La position de l’ancien président français, alors Ministre des Finances, lui permet de créer le Système monétaire européen tout en embarquant les autres dirigeants dans son initiative commune avec Berlin.
En tant que président, il lancera ensuite les sommets européens, qui deviendront le Conseil européen. La réunion des chefs d’État permet également la mise en place de l’élection au suffrage universel d’un Parlement européen aux pouvoirs plus importants. Le rassemblement des 7 puissances économiques mondiales, le G7, fera aussi son apparition sous sa coupe pour solutionner des défis internationaux. Son combat pour l’Europe se verra freiné par le refus des français au référendum d’adopter une Constitution européenne en 2005, avant d’être repris en partie dans le Traité de Lisbonne en 2008. L’ambition est donc poursuivie, et on peut dire que celui nommé « VGE » aura largement participé à son développement.
L’homme après le Président
Après son septennat, l’homme politique a continué son approche engagée auprès de l’Europe et au niveau local. Il était également élu à l’Académie française, et s’était essayé à l’écriture. Il a non seulement écrit ses mémoires, mais aussi des romans d’amour qui lui ont valu quelques scandales notamment Outre-Manche, suspectant une idylle avec Lady Diana.
Enfin, comme le résume Le Monde, “Pour beaucoup, il restera une figure de la vie politique française, un fondateur de l’Europe et l’incarnation d’un nouveau style présidentiel”.
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