Depuis une semaine, c’est l’effervescence à Paris. L’Arc de Triomphe est intégralement recouvert d’un tissu argent bleuté. Cette œuvre d’art, signée Christo, rend hommage à l’artiste décédé en mai 2020. Un an après sa mort, le projet voit enfin le jour et a été inauguré ce 18 septembre 2021 devant une foule d’habitants et de touristes, curieux de s’approcher d’un peu plus près de l’emblème républicain français, tel qu’ils ne l’avaient jamais vu.
L’emballage de l’Arc de Triomphe : un projet de vie
Le dimanche 12 septembre 2021, 25 000 mètres carrés de tissu recyclable argent bleuté sont déroulés depuis les hauteurs de l’Arc de Triomphe.
Ce projet pharamineux a été pensé par Christo et sa femme Jeanne-Claude. Il faut remonter pour cela au début des années 60, quand l’idée leur vient de créer des œuvres d’art significatives, percutantes, parfois même controverses mais surtout temporaires. En 1961, le couple décide de concrétiser l’empaquetage de l’Arc de Triomphe. Un an plus tard, Christo réalise un photo montage de ce qu’il imagine. En 1988, c’est un collage qu’il confectionne. Mais c’est en 2017 que le projet voit réellement le jour et que le couple se lance dans les préparatifs.
Cet empaquetage renvoie une idée de voyage, de déplacement, quelque chose d’éphémère.
Il faut noter que ce dernier projet, autofinancé par le couple, coûte cher – 14 millions d’euros. Pour cela, Christo, comme il l’a toujours fait de son vivant, a vendu des croquis, des dessins préparatoires originaux, les lithographies de ses projets.
Ce 18 septembre, l’œuvre du couple est inaugurée devant la France entière et fera l’objet d’une exposition de 16 jours -jusqu’au 3 octobre 2021). Les visiteurs pourront découvrir de plus près cet emballage, le toucher.
Qui était Christo ?
Christo est né en Bulgarie, le 13 juin 1935. Son enfance est assez difficile puis qu’il vit la Seconde Guerre mondiale. Sa famille offre d’ailleurs le refuge à des artistes et des amis fuyant les bombardements des villes par les Alliés.
Malgré cela, Christo s’est très vite passionné par l’art. À seulement 6 ans, il fit des portraits de nombreuses femmes du village dans lequel il vit avec ses proches. A 18 ans, Christo se lance et se forme aux Beaux-Arts de Sofia. Il y étudie la peinture, la sculpture et l’architecture pendant trois ans. Les projets lui sont confiés assez rapidement. Par exemple, le gouvernement lui demande d’aménager les abords du train Orient-Express pour donner aux passagers occidentaux une image riante de la Bulgarie. Mais l’obtention du diplôme d’art est impossible pour le jeune homme, qui doit faire face à une forte propagande dans son pays. Seuls les partisans du parti communiste peuvent l’avoir. Aussi, l’artiste se dit même réfractaire au régime instauré. Il se sert de son art pour faire valoir ses convictions en peignant par exemple des paysans prenant une pause. Par conséquent, il décide de quitter Vienne en 1956.
Christo s’installe à Paris en 1958. Pour subvenir à ses besoins, il peint des portraits à l’huile qu’il signe de son nom « Javacheff ». C’est notamment par ce biais qu’il rencontre l’amour de sa vie. En effet, Christo est amené à livrer le portrait de l’épouse du général Jacques de Guillebon, directeur de l’École polytechnique. Il fait donc la rencontre de leur fille Jeanne-Claude, une « rousse flamboyante comme empaquetée d’un film plastique ».
Dès le début des années 60, le couple se lance dans plusieurs projets d’arts temporaires.
Christo et Jeanne-Claude, un couple, une même œuvre
Christo et Jeanne-Claude, c’est une histoire qui démarre dès leur naissance. En effet, la légende raconte que Jeanne-Claude est née le même jour, à la même heure, que Christo.
Celle qui devient sa tendre épouse en 1959, devient aussi sa plus fidèle alliée dans l’élaboration de leur projet. Il s’occupe de la partie artistique, elle organise les événements. Seuls les dessins sont signés de Christo uniquement.
En 1964, le couple décide de vivre aux Etats-Unis et pensent des projets de grandes envergures. Ils souhaitent redonner aux oeuvres d’art l’importance qu’elles méritent. Selon eux, les “empaqueter” permet d’attirer l’attention sur elles. A force de trop les voir, on les oublie, on ne les regarde presque plus. Ils agissent alors sur des monuments emblématiques, des paysages entiers. Parmi ces projets fous :
- En 1970, il barre une vallée du Colorado d’un immense rideau orange ;
- En 1976, pour la mort de Mao, Christo et Jeanne-Claude construisent en Californie une barrière de toile de 40 km de long. Ils se sont inspirés de la grande muraille de Chine ;
- En 1985, ils empaquètent le Pont Neuf, créant la polémique. Toutefois, trois millions de Parisiens se déplacent.
- En 1995, le Reichstag de Berlin est empaqueté en 1995.
Jeanne-Claude s’impose comme la tête pensante de la réalisation de ces œuvres, qui parfois, lui demandaient plusieurs années pour voir le jour.
Elle meurt en 2009, d’une rupture d’anévrisme à 74 ans.
Ce 18 septembre, l’Arc de Triomphe a donc été inauguré et a rendu hommage à Christo, disparu le 31 mai 2020 à New York. L’œuvre de toute une vie, partagée avec sa femme, qui met en lumière le monument historique parisien, symbole de la République.
(Crédit photo : iStock)