La mort est à la fois un événement naturel, qui survient inéluctablement dans tous les organismes vivants. Par définition, elle est l’aboutissement et le terme de toute existence. A ce titre, elle doit être acceptée et considérée comme faisant partie intégrante de la vie. Elle doit être d’autant mieux acceptée si l’on a conscience qu’elle est une transition vers une nouvelle forme de vie puisque tout organisme mort se décompose et féconde la terre pour nourrir une espèce minérale, végétale ou animale. Et puis, force est de constater que la vie et la mort sont d’une certaine manière inséparables ; tout ce qui vit meurt et tout ce qui meurt (re)vit. On pourrait même ajouter qu’elles sont interdépendantes : il ne peut y avoir de vie si la mort n’est pas possible et inversement.
Cependant, à l’échelle humaine, la mort est souvent douloureuse, surtout quand elle survient de façon brutale, quand elle fauche avant l’âge, quand elle frappe à la suite d’une dure maladie. Elle paraît alors injuste et cruelle. Aussi, le Judaïsme prend-il en compte ce double aspect de la mort. La halakha nous enjoint d’accompagner l’agonisant avec douceur et respect, dans son difficile passage vers le trépas ; éviter d’en précipiter le moment car ce serait se substituer à la volonté divine.
On comprend dès lors le sens des textes qui doivent être récités ; ils expriment l’acceptation de l’autorité de D. (la déchirure), la proclamation de son Unité (le chéma’ israel) et la soumission à sa justice (dayyan ha émét).
Les condoléances
Les Pirké Avot nous disent « qu’on ne console pas une personne tout le temps que le mort n’est pas enterré ». En effet, elle est inconsolable tout le temps que l’inhumation ne s’est pas effectuée. Et même après comment imaginer qu’un père ou une mère puisse se consoler de la mort d’un enfant ? Seul D. peut apporter cette consolation. C’est donc ensuite que l’on peut prodiguer ses consolations en leur disant qu’ils seront consolés par D. lui-même.
Selon certaine tradition, l’assistance se répartit en deux rangs entre lesquels les personnes en deuil passaient. On leur disait alors : “Soyez consolés par le Ciel”. Il est regrettable que cette tradition ne se soit perpétuée que dans quelques communautés, car elle avait été prescrite par le Talmud et surtout elle implique une participation active des endeuillés susceptible de leur donner le sentiment de s’insérer dans la vie sociale et communautaire au sortir de l’épreuve qu’ils viennent de subir.
Le fait de se laver les mains avant de sortir du cimetière a pour but de faire disparaître l’impureté de la mort. Cela exprime aussi que nous conservons le souvenir du défunt même en quittant le cimetière.
Les différentes périodes de deuil
S’appuyant sur le Zohar, nos sages nous apprennent que l’âme quitte le corps progressivement ; elle s’en détacherait même trente jours avant la mort et, lorsqu’au dernier soupir elle quitte le corps, elle planerait encore durant trois jours au-dessus puis s’en éloignerait progressivement après la mise en terre, pour rejoindre ensuite le ciel définitivement au bout de 12 mois. C’est que l’âme souffre de devoir quitter ce corps qu’elle a habité lors de sa vie terrestre. Les quatre périodes de deuil correspondent à ces différentes étapes de la migration de l’âme. Le temps de l’aninout, la semaine après l’inhumation, les trente jours et l’année.
Ces 4 temps du deuil ont aussi un rapport avec les proches du défunt. Quand la mort frappe, c’est l’attribut de justice de D. qui se manifeste. Les proches sont donc eux aussi en danger. “Une épée est pointée dans leurs reins”, d’après les dires de nos sages. Ils doivent donc être prudents dans tout ce qu’ils entreprennent, éviter toute action périlleuse et surtout penser à se repentir des fautes qu’ils ont pu commettre.
Le suicide
Le suicide constitue pour le Judaïsme, une sorte de démission volontaire, de renoncement à accomplir son devoir sur terre, de refus d’accepter la volonté de D. de mettre l’âme à l’épreuve lors de son passage dans ce monde. Les plus grands décisionnaires sont unanimes pour condamner sans ambigüité cet acte. Cette condamnation repose sur l’interdit de ne pas tuer (or se tuer soi-même c’est aussi commettre un meurtre d’autant plus odieux que la victime est sans défense, par définition) et sur l’idée que supprimer une vie équivaut à détruire le monde. Celui qui s’en rend coupable est enseveli dans une parcelle de terre distincte du cimetière commun, de manière assez humiliante.
Cependant, avant de condamner un suicidé, il faut, selon le choulhan ‘aroukh, qu’il ait mis fin à ses jours en pleine lucidité. Si l’on sait qu’il était atteint psychologiquement ou qu’il avait un comportement déséquilibré proche de la folie, ou encore si quelqu’un s’est suicidé pour ne pas subir des tortures ou être fait prisonnier, on peut conclure qu’il n’y a pas eu suicide. Dernière condition, il faut qu’il ait exprimé son intention de se suicider devant témoins. Pratiquement il est donc impossible d’établir un vrai suicide et d’appliquer les règles fixées par la halakha.
Le Quadich
Loin d’être la prière des morts, le quadich est au contraire une louange très appuyée adressée à D. qui a créé le monde selon sa volonté, qui instaurera son royaume sur terre et fera venir le Messie. On demande à D. la paix, l’abondance, la consolation, le pardon, la guérison…
Dans le quadich qui doit être prononcé par les endeuillés immédiatement après l’inhumation, on y a mentionné la résurrection des morts, la restauration de Jérusalem, la reconstruction du Temple et la fin de l’idolâtrie. Dans une deuxième partie, on y émet le souhait de voir disparaître la guerre, les épidémies, les catastrophes et la mort elle-même.
Mais ce quadich ne se récite qu’une seule fois. Durant toute l’année de deuil on récitera le quadich normal qu’on appelle quadich yatom, le quadich de l’orphelin.
La prière pour les morts
Dans la tradition séfarade, les prières commencent par ménouh’a nékhona pour les hommes et par rahamana derahmanouta. Le premier texte est introduit par la citation de versets de l’Ecclésiaste (Qohélét) Ecc. 7,1 12,13, Ps.149,5 et des Psaumes. Ils disent, ces versets, que l’instant de la mort est supérieur à celui de la naissance, car c’est au terme de la vie que l’on peut dresser un bilan. Ils disent aussi que l’existence ici-bas n’a de sens qu’à travers l’application des mitsvot ; ceux qui s’y conforment peuvent exulter dans leur tombe. Pour la femme, les trois versets des Proverbes (Michlé) 31,1,30,31 évoquent la femme idéale, caractérisée non pas par la beauté ou la grâce, mais par la crainte de D. C’est elle qui est digne de louanges.
Pour les rabbins, les savants en Tora, on ajoute des versets affirmant que la sagesse et l’intelligence sont un don de D. et qu’un bonheur ineffable attend dans l’au-delà craignant D.
Les noms
En principe et selon la tradition séfarade, on doit mentionner le nom du défunt suivi de celui de son père : Réouben ben Ith’aq ou Rivka bat Abraham. Cependant l’usage s’est répandu dans certains pays de mentionner le nom de la mère du défunt et non du père ; et parfois le nom du père et de la mère. Chacun doit donc agir selon sa propre tradition.
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