En France, le suicide est plus élevé chez les agriculteurs que dans la population générale. Ce sujet d’actualité, illustré dans le film d’Édouard Bergeon « Au nom de la Terre » en 2019, a amené le gouvernement à lancer, fin 2021, une mobilisation générale. Celle-ci a débouché sur plusieurs dispositifs d’accompagnement (renforcement de l’aide au répit, crédit d’impôt…), et, en cas de décès, au versement d’un capital forfaitaire d’un peu moins de 3 500 euros, destiné à la famille.

Lumière sur la situation des agriculteurs et retour sur l’évolution du monde agricole jusqu’au contexte de cette aide.

Le suicide dans le monde agricole et ses conséquences

Déjà en 2011, la situation avait alerté le pouvoir politique. Un plan de prévention du suicide dans le monde agricole avait été lancé, mais il s’est avéré insuffisant. Si chaque décès est une épreuve dramatique pour les familles, l’impact est accentué dans certaines exploitations agricoles. Or les proches d’un agriculteur décédé, mais non-salarié, ne bénéficiaient pas d’aide financière, contrairement aux affiliés du régime général de la Sécurité sociale.

Le gouvernement avait axé le plan de 2011 autour de 3 points, en prévention des suicides :

  • L’amélioration de la connaissance du suicide, sujet tabou dans le monde agricole : les exploitants hommes de plus de 45 ans subissent un excès de mortalité depuis 2008 (+ 28 % cette année-là puis une augmentation annuelle de près de 20 % en 2009 et 2010) dont 300 suicides en 2010 et 2011. C’est particulièrement accru dans l’élevage de bovins.
  • La mise en place d’un numéro d’écoute 24h/24 (qui a donné lieu à une explosion du nombre d’appels en 2016, liés aux problèmes financiers et à l’isolement géographique).
  • La création de cellules de prévention et d’accompagnement au sein des MSA qui ont aidé plus de 2 000 cas entre 2012 et 2014.


Malgré ces efforts, un nouveau plan d’action était attendu. En effet, le rapport d’Olivier Demaisin, député du Lot-et-Garonne, en décembre 2020, ainsi que celui d’Henri Cabanel et Françoise Férat (respectivement sénateur et sénatrice) en mars 2021, ont démontré que le nombre de suicides d’agriculteurs âgés de 15 à 64 ans était supérieur de 43,2 % à celui des assurés des autres régimes de Sécurité sociale. À partir de 65 ans, cette cause de mortalité double par rapport au reste de la population.

Ces conclusions ont mené à plusieurs projets :

  • Réseaux sentinelles pour détecter les situations en amont.
  • Rappel du numéro national de prévention du suicide (3114) et de celui d’Agri’Écoute de la MSA (09 69 39 29 19).
  • Comités de pilotage départementaux.
  • Renforcement financier des dispositifs déjà existants d’allègement de la charge des agriculteurs (aide au répit, crédit d’impôt).
  • Lancement d’une consultation pour recueillir les témoignages des familles d’agriculteurs en difficulté.

 3 500 euros de capital décès pour les familles d’agriculteurs

Le 12 novembre 2021, il a été voté au Sénat le versement d’un capital décès de 3 476 euros aux familles d’agriculteurs qui n’étaient pas salariés et sont décédés d’une maladie, d’un accident ou encore d’un suicide. Ce vote a eu lieu dans le cadre du projet de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2022.

Comment le montant a-t-il été estimé ? Il a été calqué sur celui du capital décès que garantit la MSA et auquel ont droit les familles des salariés agricoles.


S’il garantit une aide après toutes les formes de décès, l’esprit est d’apporter un soutien aux familles lors du suicide du chef d’une exploitation agricole ou de l’un de ses membres. Le but est de rétablir l’équité par rapport aux autres assurés sociaux. La charge qui en résultera est estimée à 2,9 millions d’euros, qui ne devraient pas, selon le gouvernement, se traduire par l’augmentation des cotisations Amexa (Assurance Maladie des EXploitants Agricoles).

Qu’en est-il du financement de la sécurité sociale 2022 ?

La mesure qui donne le droit aux familles de toucher un capital décès s’inscrit dans un projet beaucoup plus global visant à soutenir les professionnels de l’agriculture.

Parmi les mesures phares, nous retenons :

  • La limitation du statut du conjoint collaborateur des travailleurs indépendants afin de ne pas les maintenir dans une activité créant une dépendance économique sans occuper un réel emploi.
  • Les indemnités journalières de paternité pour les chefs d’exploitations agricoles dans le cadre du dispositif de l’allocation de remplacement si aucun remplaçant n’a été trouvé.
  • Une indemnisation des ayants droit des autres non-salariés travaillant sur l’exploitation agricole (collaborateurs, enfants de plus de 14 ans, aides familiaux…) et décédés d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
  • L’extension du champ d’application de l’indemnisation des victimes professionnelles de pesticides.
  • La simplification de l’accès à une complémentaire santé solidaire.
  • Le financement de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des exploitants.

Cette mesure, complétée par la loi Egalim 2 qui bloque le prix d’achat des matières premières agricoles pour protéger la rémunération des exploitants, témoigne d’une politique en faveur du milieu rural pour redonner espoir aux professionnels.